Parcours d'une vie

Histoire de Marcel racontée par ma mère

 

 

Première installation de ce texte le 3 septembre 2008

Je vais essayer de raconter le parcours de la vie de mon cher Marcel d'après ce qu'il m'a raconté et de ce que je me souviens.

Marcel est né le 8 mai 1918 à Donzacq, le pays où sa maman elle-même est née. Sa mère avait deux soeurs, Jeanne et Marie, et deux frères, Charles et Marcel.

  • Marie est restée célibataire.
  • Jeanne a eu deux fils, Julot et Charles.
  • Charles a eu deux filles, Suzanne et Marinette.
  • Et Marcel a eu une fille, Georgette.

La maman de Marcel était cuisinière et son mari Raymond, maître d'hôtel dans une grande maison. Raymond était cordonnier de métier. Il avait appris ce métier en faisant le tour de France suivi du tour d'Espagne. Mais durant son service militaire dans la cavalerie, il a reçu un coup de sabot à l'épaule. Il ne pouvait plus tirer sur les fils qui servaient à coudre les souliers. Aussi il est devenu maître d'hôtel.

Etant placé comme on disait à l'époque, ils ont confié leur fils Marcel à Jeanne qui habitait à Bastennes (village à côté de Donzacq), un établissement où il y avait des bains sulfureux (voir l'histoire des bains). Son mari Armand travaillait dans le bois et partait toute la semaine. C'est donc Jeanne, seule, qui s'occupait de ses deux fils et de Marcel. Ils se sont toujours considérés comme des frères. Ils sont allés tous les trois à l'école à Donzacq, et Marcel les a quittés pour rejoindre ses parents à la Capitale, mais il fut placé en interne au lycée de Bourg-la-Reine.

Voyez un peu ce changement radical. Ce qui lui a fait dire plus tard : jamais mes enfants ne seront internes.

Je ne sais plus combien de temps il est resté à Bourg-la-Reine. Il a rejoint ensuite le collège de Melun jusqu'à 18 ans. Là je sais qu'il a appris à monter à cheval, il a même gagné un concours au Grand Palais à Paris. J'ai sa médaille dans le petit bureau de notre chambre.

Pour ma rencontre avec lui voir mon autre texte.

C'est son père qui l'a fait engager au 8ème génie à Versailles à l'âge de 18 ans, au moment de la guerre d'Espagne. Il pensait que la France allait intervenir, et étant socilaiste et amoureux de l'Espagne, il voulait que son fils participe à la lutte contre le facsime espagnol. Très vite il a eu de l'avancement et en septembre 1940 il était sergent-chef.

Les allemands ayant déclaré la guerre, son régiment a quitté Versailles pour Sissonne, à côté de Soisson. En janvier il est opéré de l'appendicite et avec mes parents nous sommes allés le voir à l'hôpital par une température hivernale. L'hiver 1940 a été très rigoureux.

Il a suivi durant trois mois des cours pour la préparation de sous-officier et il a été reçu. Mais le jour du résultat en mai, je crois que c'est le 10, les allemands envahissent la Belgique dans la nuit et le génie fait également la même chose via la frontière Belge, mais comme tous le monde le sait, les événements sont rapides, et le 8ème génie se retrouve à Dunkerque sur la plage. Là il y restera trois jours et trois nuits, subissant des bombardements intenses et voyant des bateaux venant d'Angleterre pour les sauver, se faire bombarder également. Il m'a dit en avoir vu trois subir ce sort.

Finalement il est monté sur un bateau et a attérri à Plymouth où il est resté environ trois semaines, je ne sais plus exactement.

Revenu en France à Cherbourg il a attérri à Claire Fontaine où nous sommes allés le voir avec Rénée Bertault, une amie de Maman qui avait une voiture. Les Allemands avançant en France, il se retrouve à Périgueux pendant quelques jours. Puis c'est l'invasion allemande jusqu'à Hendaye. C'est dans cette période que Maman, moi et Babbé Belin, une amie de Maman, nous avons pris le train pour Dax et le Boucau. Nous avons mis trois jours, et le lendemain de notre arrivée, les allemands passaient devant la Baraquotte (voir l'histoire de cette épicerie).

Marcel est donc parti en Zone libre à Chateauroux. Là il est resté un an et demi. Demandant des volontaires pour des cours d'Education physique, il se présente et part à Antibes. Reçu à l'examen il est nommé à Pau, au Hameau, où il enseigne aux jeunes recrus.

Il cherche avec sa tante Jeanne, installée à Pau, un petit logement meublée en vue de son mariage. Il monte à Paris. Nous nous sommes mariés civilement le 4 avril 1942, un samedi et le 7, un mardi, à l'Eglise. (détailler, qui est là par exemple)

Nous avons passé notre nuit de noce dans un hôtel quai des Grands Augustins car à la Monnaie avec toute la famille il n'y avait plus de place. Pour arranger les choses les sirènes ont sifflés durant la nuit. Quelques jours après nous débarquons à Pau heureusement pour moi, Marcel mangeait au mess des officiers car s'était la pénurie pour moi.

Je pense que c'est à la fin de l'année 1942 que la France est complètement occupée. Le "Hameau" est évacué et nous voilà à Saint Giron à côté de Foix dans l'Ardèche. Très mauvais souvenir pour tous les deux, si bien que Marcel a pu se faire affecter à Paris au bout d'un mois, et nous sommes remontés dans la Capitale.

Etant moniteur de gymnastique, on l'envoie dans un lycée parisien, Jeanson de Sally. Il va également donner des cours dans des établissements privés (grâce à Hélène Caumont, une parente de mon père) qui était dans ces établissements.

Marcel venait déjeuner à la Monnaie chez mes parents, car nous n'avions pas encore trouvé un logement.

Un jour, à son retour au lycée, le proviseur, derrière un pilier, lui fait signe de venir le voir. Il lui apprend qu'il fait parti des noms inscrits sur la liste pour le service obligatoire en Allemagne (STO). Il revient aussitôt à la maison, je fais les valises et nous prenons le train pour Bastennes où se trouve la maison de ses parents, qui s'y trouvent depuis la déclaration de la guerre.

C'est donc en fin 1943, que cette situation s'est produite. Nous sommes restés six mois avec mes beaux parents. Un jour Marcel a mal à un oeil. Nous voilà partis en vélo jusqu'à Dax chez l'ophtalmo : vingt cinq kilomètres aller, vingt cinq kilomètres retour. Il avait une petite limaille de fer qu'il lui a enlevé.

Puis a lieu le débarquement de 1944. Avec Julot ils sont partis avec les FFI sur le bassin d'Arcachon.

Paris se trouvant libéré, nous remontons à la capitale. Là il est au central téléphonique sous les Invalides.

En 1945, complètement libres de la guerre et de l'occupation, cinq militaires du Génie sont envoyés en Amérique pour suivre des cours de perfectionnement dont Marcel, et, à cette occasion, il devait passer adjudant.

Départ par avion pour l'Angleterre et ensuite New York, puis le train pour atterrir dans le Missouri. Là ne connaissant pas la langue, ils ont chacun un interprète qui les suit également dans leurs sorties. La semaine se passe en cours et le dimanche ils sortent avec l'interprète. C'est ainsi qu'il fait la connaissance d'une famille française installée dans le Missouri, Monsieur et Madame Josse, et un directeur de Coca-Cola, monsieur Duruy .

Monsieur Duruy est venu à Paris à la fin des années cinquante, Bernard, mon fils, avait sept ans. Il voulait l'emmener en Amérique et a proposé une place à Marcel de directeur de Coca-Cola pour la France et les pays limitrophes. Mais rien ne s'est réalisé de ces deux affaires. Je ne voulait pas laisser partir mon fils, et Marcel aurait du faire un apprentissage rapide des langues et faire des voyages. Monsieur Duruy avait fait venir à Paris une voiture à boîte automatique, avec laquelle Marcel l'a véhiculé quelques jours. "Take the car, boy", disait-il en plein place de la Concorde..

Mais revenons à son stage en Amérique qui devait durer trois mois, et s'est soldé par onze mois. Il m'a souvent envoyé des paquets faits par une maison spécialisée. C'est ainsi que j'ai eu les premiers mouchoirs en papier, et que j'ai goûté et que j'ai beaucoup apprécié, au beurre de cacahouète.

Durant cette période nous avons eu à Paris un hivers assez rigoureux. Charles, l'un des "frères" de Marcel, et Nanou se sont mariés à Bastennes. Je n'y suis pas allée, je travaillais comme modiste rue Saint André dans une petite rue où l'atelier était plus que minuscule, et pendant cette période, une ancienne amie de l'atelier du Printemps (où elle était elle-même) m'a indiqué qu'on recrutait des apprêteuses chez Jean Patou, rue de Saint Florentin. Je me suis présentée et j'ai été prise en suivant.

Au bout de onze mois Marcel revient d'Amérique, traversée de quinze jour. Parmi les passagers la belle fille du président Auriol, as de l'aviation, rare à cette époque pour une femme. Le bateau m'a-t-il raconté prenait l'eau et durant la traversée il a souvent joué au bridge.

Il est arrivé à La Rochelle et a rejoint Paris par la gare d'Austerlitz, où avec mes parents nous sommes allés l'accueillir. Quelle joie ce retour m'a procuré après onze mois de séparation ! N'ayant pas de logement nous habitions à la Monnaie chez mes parents.

Au retour, l'Armée aurait du l'employer dans la catégorie dans laquelle il avait été envoyé pour se former en Amérique, les transmissions téléphoniques. Au lieu de cela, on l'envoie loin de Paris, je ne me rappelle pas où, il ne rentrait que tous les huit jours. Tout ça pour surveiller des hommes dans une piscine, et le grade d'adjudant complètement oublié.

Le Colonel lui demande de faire un rapport sur son séjour en Amérique et lorsqu'il le lui présente, il lui signale qu'il ne faut pas décrire avec enthousiasme toutes les bonnes choses de ce séjour.

Là je crois que le vase a débordé et comme son engagement allait se terminer à quelques mois, il ne le renouvelle pas. Mais comme les dix années sont incomplètes il touche pendant neuf années une petite retraite. Alors que si les dix ans avaient été faits, la retraite l'aurait été pour toute la vie. Mais cela lui était égal. Il était libre et heureusement qu'il a pris cette décision car quelques mois plus tard la guerre d'Indochine se déclarait. Il serait parti, peut-être avec un grade supérieur, mais ne serait peut-être jamais revenu.

Nous sommes donc en 1946. Marcel a perdu son travail et moi je suis toujours rue Saint Florentin dans l'atelier de mode de Jean Patou comme apprêteuse.

Pour donner suite, il faut que j'explique quelque chose. Nous habitions avec mes parents quai Conti à l'Hôtel des Monnaies et Médailles où mon père avait un appartement de fonction.

Ma mère avait rencontré quelques mois avant, une connaissance de Dax, originaire du même quartier, mariée avec un belge, monsieur Van Gaelmaer, travaillant dans une petite imprimerie rue de Nesles. Ils venaient donc de temps en temps nous voir à la Monnaie, et un jour, ce monsieur a proposé à Marcel de lui apprendre la linotypie rue de Nesles. Marcel a bien voulu essayer. je crois qu'il y est allé environ trois ou quatre mois.

Il a donc débuté dans le métier dans une imprimerie située derrière le magasin de la Samaritaine, qui s'appelait "Ce matin, le Pays", imprimant surtout des magazines. Je ne me rappelle plus le temps qu'il y ait resté, un ou deux mois, mais pas davantage.

Un jour des imprimeurs sont passés en disant à leurs collègues qu'on embauchait au Journal Officiel. Marcel venant déjeuner à la maison, parle de cette nouvelle et d'un commun accord on lui a dit d'aller se présenter. Le lendemain, rendez-vous avec le directeur qui lui dit "Vous ne venez pas pour une semaine ?", car à cette époque, les imprimeurs de la presse changeaient souvent de maison, et Marcel lui répond que ce n'était pas son intention.

Il est donc pris le 7 avril 1947 au Journal Officiel dans l'équipe du matin. Bernard est né le 9 juin 1947 et Marcel passe dans l'équipe du soir pour la période des vacances.

Le dimanche 8 juin, on est au jardin des Tuileries en train de regarder des modèles réduits de bateaux devant le dernier bassin situé au bout du jardin, quand j'ai ressenti quelques douleurs, avec Marcel nous sommes rentrés à la Maison, appelé la sage-femme, et après sa visite, nous dit qu'elle reviendra un peu plus tard dans la soirée. Ce qu'elle fait, et en sa compagnie, Marcel et Maman, le petit bout de chou est arrivé à cinq heure du matin le 9 juin.

J'ai été heureuse de pouvoir le nourrir au sein pendant à peu près un an. J'ai alors quitté la maison Jean Patou pour m'occuper de mon petit Bernard, et durant ce temps Marcel a encore changé d'équipe pour son bonheur. Il est passé à l'équipe de l'après-midi, s'est retrouvé à côté de Jean Herbé, arrivé à peu près le même jour que lui, et avec lequel nous avons vraiment sympathisé. Il a retrouvé un Dacquois qui l'a pris un peu son son aile, Monsieur Dumolia. Il y avait également le chef d'atelier, Monsieur Guillolot, et surtout le chef des correcteur, Jean Goulard. Comme Marcel avait une frappe très sûr, on lui a attribué le rôle de "morassier", c'est celui qui fait les corrections.

Vu ses nombreuses qualités, il a été proposé au Conseil d'administration, car la "composition" du Journal officiel était une société ouvrière, dirigée par les ouvriers, alors que la partie administratives du Journal était gérée par l'Etat.

Dans toute cette période, il s'est occupé des remboursements de sécurité sociale au personnel qui était inscrit à la Mutuelle de la presse. Et grâce à ses démarches auprès des uns et des autres, il a fait adhérer tout le personnel de la société ouvrière et les administratifs à la Mutuelle de la presse. Celle-ci avait changé de local, de la rue Rambuteau, elle s'est installée dans un immeuble de la rue Turbigo. Ayant de bon rapports avec le directeur, Monsieur Deulcan, j'ai été embauchée quelques années plus tard comme aide-comptable seulement l'après-midi.

Au Conseil d'administration, Marcel prenait par écrit tous les discours et les échanges, le lendemain matin, il les transcrivait au propre. Il a ainsi passé de nombreuses matinées pour ce boulot.

Il a été nommé actionnaire de la société ce qui avait l'avantage de toucher une enveloppe supplémentaire dans le courant de l'année. Et il a terminé comme Vice-président dans les dernière années de sa vie professionnelle. Il a pris sa retraite en 1978, année de la naissance de notre deuxième petit fils, Nicolas.

Je reviens un peu en arrière, en 1954, l'amie de Maman, Renée Bertault nous signale qu'un logement au dessus de chez elle va être libre, avenue Claude Vellefaux dans le dixième arrondissement, à côté de l'hôpital Saint Louis. Marcel se présente auprès du gérant, muni d'une petite enveloppe qu'il lui remet. Nous voici locataire d'un petit logement de deux pièces-cuisine avec wc personnel sur le palier. Mon père nous fait abattre une cloison pour agrandir une pièce, et nous voici chez nous, un modèle réduit en comparaison de celui de la Monnaie.

J'ai oublié de mentionner qu'au début de la carrière de Marcel, le Journal officiel (JO) se situait quai Voltaire, à cinq minutes de la Monnaie, dans un bâtiment, face au Louvre, sur l'autre rive de la Seine, et qui était les anciennes écuries des mousquetaires du roi. Avant notre propre déménagement, le JO a émigré pour un bâtiment construit à cet effet, sur Desaix dans le quinzième arrondissement. Son trajet était beaucoup plus long. Faisant partie de l'équipe de l'après-midi, de deux heures à huit heures du soir, de cette manière nous ne mangions pas ensemble. Bernard et moi et ensuite Marcel quand il arrivait.

Etant avenue Claude Vellefaux, une entreprise du nom des Etablissements Pigeon , juste à côté de chez nous, demandait une emplyoée aux écritures. Je me suis présentée et suis restée dix ans pour finir mécanographe compte clients et fournisseurs. Cette entreprise fabriquait et vendait la fameuse lampe Pigeon, qui ne pouvait pas exploser. Puis un deuxième objet a assuré son développement, un réchaud pour le camping, juste au moment de son développement. Mais ce deuxième objet n'évoluant pas, la maison a fait faillite. Je reste quelques temps à la maison pour ensuite travailler à la Mutuelle de la presse comme je l'ai déjà indiquée.

Les années passent tranquillement, Bernard suit des études à Turgot, puis à la faculté, et rencontre une jeune fille nommée Agnès Gleizes, et en 1968, mariage. Ils auront un enfant, Armand en 1969.

Avant le départ de Bernard, de nouveau un appartement se libère à côté du nôtre. Et de nouveau Marcel rencontre le gérant avec une petite enveloppe. Juste après le mariage de Bernard, un autre appartement se libère au quatrième étage, et Marcel repart avec la petite enveloppe. Et quelques années après il y aura à nouveau un appartement libre juste à côté de celui de Bernard et Agnès.

A suivre et à compléter...